.O.
25/06/2021
Le sujet du film et son traitement font penser aux films de François Ozon, ceux dans lesquels une petite touche de fantastique vient faire dérailler une histoire pourtant "simple". Fanny Liatard et Jérémy Trouilh n'ont pas encore la carrière ni la maitrise impressionnante de ce glorieux ainé mais leur "Gagarine" sort de l'ordinaire ce qui est tout à leur honneur.

La bande annonce ne donnant pas beaucoup d'information sur le scénario, c'est assez surpris que j'ai découvert les images d'archive qui ouvrent le film et plantent le décor : Youri Gagarine venant inaugurer une cité à son nom, c'est tout l'urbanisme des années 60 qui fait irruption sur l'écran : celui qui conjuguait besoin impérieux de construire des logements et plaisir d'accéder à des logements neufs... celui qui ne connotait pas négativement le mot "cité" mais voyait simplement un moyen de s'épanouir dans une France qui connait ses 30 glorieuses.

Le film revient en 2019, quelques mois avant la destruction programmée de la cité et, pour une fois, ce n'est pas le trafic ou les guerres inter-cités qui seront sur le devant de la scène. Non, c'est un jeune homme qui ne veut pas quitter la cité, qui veut remettre les choses en route pour éviter sa démolition. Combat surprenant qui fait écho aux informations données à chaque "grande destruction". Honnêtement, comment peut-on être contre la destruction d'immeubles vétustes et d'appartement insalubre ? La peur de perdre ses amis en étant relogé aux 4 coins de l'île de France ? La peur d'être de nouveau déraciné ? Cela s'entend et l'on peut s'étonner que les projets de reconstruction ne fassent pas la part belle aux habitants déjà présents. Ce serait naïf de penser que tout peut être détruit et reconstruit uniquement grâce à de l'argent publique mais je serais curieux de savoirs si les logements (sociaux ou non) vont prioritairement aux habitants qui étaient sur place depuis de nombreuses années.

Je m'égare et vais dans des considérations bien trop terre à terre. La destruction est actée et petit à petit la cité se vide. Youri, abandonné par sa mère trop occupée avec son nouveau mari et son bébé à venir, se retrouve seul dans ce lieu qu'il n'arrive pas à quitter. Il se lie d'amitié avec une jeune rom et vit sa vie seul dans les étages en profitant de la place pour donner corps à son rêve : celui d'évoluer à bord de l'ISS. Les reportage de Claudie Haigneré en fond sonore, il s'évade dans l'espace. Habile de sens mains, il se créé un véritable cocon spatial mais reste lié avec Diana et un dealer de la cité qui lui aussi n'arrive pas à tourner la page.

Les différentes aventures ne sont pas remarquables mais il y a une poésie dans certains moments qui permettent au film de décoller, bien aidé par Alséni Bathény dans le rôle principal, gaillard pas bavard mais dont la force tranquille transparait à chaque plan. la dernière partie du film est un peu casse-gueule, entre le choix de faire croire que les démineurs ne savent pas qu'un gars vit à l'intérieur, l'idée de faire sauter l'immeuble de nuit, ... Ce n'est pas bien grave, le film avait trouvé sa voix bien avant ces dernières minutes et si je suis certain qu'il laissera de nombreux spectateurs de marbre, je me suis moi laissé embarqué dans ce rêve d'apesanteur que le seul nom de Gagarine suffit à déclencher...
.O.